// Avril 2024 //
Départ de Toulouse à 6h et des brouettes, arrivée à Lille avant 14h : une demi-journée à peine pour traverser la France en train, dingue !
Un petit run à Montparnasse : Jo me distance dans les escaliers alors que je cavale dans les escalators étroits et encombrés, mais il enchaîne ensuite les obstacles ! Coup sur coup surgissent un contrebassiste, un enfant slalomant puis un groupe de touristes désorientés, me permettant de reprendre la tête de la course.
Notre correspondance à la Gare du Nord attrapée, nous voici arrivés à Lille.
C’est parti pour cinq jours dans le Nord, en route mon p’tit quinquin.
Nous expérimentons un petit enfer du Nord en tentant de rallier notre logement, lestés de nos valises à roulettes qui rebondissent sur les pavés. À l’intersection du Vieux Lille et du quartier Vauban, notre air bnb est top. Lumineux et propre, il est doté d’une jolie petite terrasse qui donne sur un jardin peuplé de lapins en contrebas (et, de l’autre côté du canal de la Deule, sur une fête foraine : roulez petits bolides !)
Après une micro-sieste et un café (le réveil à 4h30, ça pique), nous partons explorer le quartier. C’est Boboland ! Des bars à vin, une briocherie festive (oui oui) et des torréfacteurs de quinoa bio-sourcé (j’exagère à peine) (tu me connais). Beaucoup de restaurants et de cafés ont des noms à consonance italienne, je m’interroge sur une éventuelle diaspora italienne à Lille, ce qui fait inexplicablement marrer Jo et qui deviendra le running gag du séjour.
Quartier Moulins
Déception, contrairement à ce qu’indiquaient le site et les réseaux sociaux, le Tripostal est fermé ce jour-là. Rhaaaa.
Nous partons donc vers notre deuxième plan : la gare St Sauveur, devenu un lieu alternatif qui héberge d’une part ateliers, conférences, concerts et expos dans la partie Bazaar St So, et un bar dans un autre bâtiment. Nous commençons par le côté Bazaar.
Ce qui suit n’est absolument pas scénarisé pour les besoins narratifs de ce blog, c’est vraiment le premier truc que nous avons découvert à Lille.
Aujourd’hui, quelle chance, c’est festival au Bazaar St So.
Le festival des Fouffes en folie.
Ah.
Organisé par le collectif Femmes Fières Fortes, c’est un week-end pour célébrer « l’empuissancement féminin ». Après avoir déambulé parmi les stands de divers objets et créations à la gloire de l’anatomie féminine (ça nous rappelle le Queer art lab à Lisbonne !) et bu un coup sur fond de lectures poétiques et engagées, nous longeons le magnifique photobooth « vulve » tout en velours et paillettes (le questionnement de Jo, « mais faut passer la tête dedans, pour faire la photo ? » reste à ce jour irrésolu, on n’était pas hyper sûrs) et filons plutôt côté gare où la terrasse, malheureusement pleine, semblait fort agréable.
Vieux Lille
Le lendemain, nous choisissons de démarrer la journée par une balade dans le vieux Lille. Coup de coeur de Jo pour ses ruelles pavées, ses galeries d’art, ses shops bobo/arty.
En passant devant le musée de l’Hospice Comtesse, pourtant pas pas inclus au programme, nous sommes tentés par la présence d’artisans venus partager leur savoir-faire à l’occasion des Journées européennes des métiers d’art. J’ai à peine besoin de faire les yeux du Chat Potté à Jo (si, quand même un peu), hop, nous voici entrés.
Dès la première pièce, nous avons la chance d’intégrer une discussion hyper intéressante avec Patrice Bricout – de l’atelier éponyme, restaurateur de meubles en bois, qui nous présente les différentes colles et techniques qu’il utilise.
Nous l’interrogeons aussi sur la notion de transmission de ce savoir-faire, et sur le nombre de jeunes qui s’y forment. La relève est effectivement assurée via des formations d’excellence dispensées par des écoles spécialisées et des apprentissages dans des ateliers tels que le sien, labellisé EPV (Entreprise du patrimoine vivant) : ce label est « une reconnaissance officielle par l’État des savoir-faire de haute technicité ou rares détenus collectivement et mis en œuvre par les entreprises françaises » et ne peut s’obtenir que sous condition de transmission du geste et du savoir-faire professionnel.
Une dernière question sur les matières premières utilisables (vous apprendrez que le prélèvement de certaines matières premières telles que l’ivoire ou l’écaille de tortues n’est plus autorisé, et que les artisans doivent obligatoirement utiliser les stocks restants ou réutiliser des objets existants), et nous laissons d’autres visiteurs échanger avec Patrice.
Nous visitons ensuite l’étrange Notre Dame de la Treille. Étrange de par la discordance entre sa façade très, très moderne et son intérieur plutôt classique. Cette incongruité s’explique de manière très rationnelle : y’avait pu d’sous ! En 1953, le projet de construction dût être revu à la baisse pour cause de fonds manquants.
À l’intérieur, une maquette présente le projet initial et une étiquette attire mon attention : elle porte la devise de la ville qui inclut son nom en latin : « Insula ». Tiens tiens. « Lille » = « l’île » ?
Nous découvrons également les incontournables lillois : la Grand Place, l’Opéra, le palais Rihour, la Voix du Nord, l’ancienne Bourse.
En revanche, notre tentative de visite de la maison natale de Charles de Gaulle tourne court : il fallait réserver. Je regrette amèrement de m’être loupée sur ce coup-là, en grande admiratrice du De Gaulle libérateur.
Lille centre
Au programme de l’après-midi : visite aux archives municipales dans le cadre du Printemps de l’Art Déco. Les archives municipales sont en grande partie conservées dans l’hôtel de ville, qui vaut lui-même le détour.
Le saviez-vous ?
Lille comporte beaucoup de bâtiments dans le style Art Déco car la ville a connu de nombreux bombardements durant la guerre de 14-18 (les Lillois perpétuent d’ailleurs le souvenir de la dureté de l’occupation allemande à l’issue de cette première guerre mondiale, plus encore que lors de la seconde), ainsi que plusieurs catastrophes en 1916 : l’explosion d’un dépôt de munitions qui a soufflé tout un quartier, mais aussi l’incendie du palais Rihour qui hébergeait jusqu’alors la mairie (avec une perte énorme des archives conservées jusque là).
Un appel fut alors lancé pour un programme de reconstruction des quartiers dévastés ainsi que de plusieurs zones démilitarisées et rachetées par la mairie.
Les programmes retenus ont débuté dans les années 30, ont été interrompus par la seconde guerre mondiale, et se sont achevés dans les années 60.
L’archiviste passionnée et passionnante qui mène la visite nous présente également le plus vieux document conservé là : un contrat du XIe siècle qui reprend la dénomination latine adjectivée « Insulensis ». Donc oui, « Lille » est bien une déformation de « l’île » !
Une expo sur le corps de ballet lillois était annoncée à la médiathèque : nous y faisons un saut (un entrechat, huhu) le temps de découvrir les photos de la troupe un temps dirigée par Serge Lifar… mais aussi de faire une pause « bouquin » au calme, pour reposer les ripatons.
L’avant-dernier jour, suite au fiasco de Wazemmes (voir plus loin, ouh, spoiler), nous visitons finalement le fleuron de ce quartier : le Palais des Beaux-Arts. Une magnifique surprise ! Le bâtiment est très beau, la scénographie est hyper bien pensée :
- des explications classiques, auxquelles s’ajoutent pour certaines œuvres des explications hyper ludiques destinées aux enfants, des extraits d’œuvres littéraires en lien avec la thématique, ou encore la mention d’un label spécifique comme la classification République française récupération (RFR) qui identifie les biens spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale puis confiées aux musées nationaux dans l’attente de leur restitution à leurs légitimes propriétaires ;
- un éclairage extrêmement bien pensé pour mettre les œuvres en valeur, avec notamment une nuée de petites LED incrustées dans les plafonds des rotondes ;
- un code couleur pour les murs de chaque zone, permettant de visualiser clairement les différents univers proposés ;
- un « intrus » dans chaque zone : une œuvre contemporaine se glisse parmi les œuvres classiques, et c’est fait de manière très intelligente et esthétique. Quelques exemples : une photo de jeux d’ombres et de lumière dans la zone des peintres flamands du XVIIIe (tu sais, ceux qui sont plutôt team « sous-exposition » dans leurs tableaux), un écran diffusant un paysage de nature dans la salle du mouvement naturel écologiste, un polychrome bleu dans la salle aux murs rouge brun, un rubix cube géant dans la salle aux murs bleus…
Fives Cail
Notre objectif dans ce quartier récemment redynamisé (c’est le terme sympa pour « gentrifié ») : un plan apéro à Chaud-Bouillon ! Nous prenons le métro direction Fives-Cail pour découvrir cette friche arty-gastronomico-culturelle comme à St Pétersbourg.
Son ouverture est très récente donc tout n’est pas encore aménagé, mais la partie food court est prête : il y a largement de quoi boire un coup et se régaler de croquettes au Maroilles (ah, quelle belle invention que le Maroilles) en buvant un cocktail.
Ce nouveau lieu attire tous des riverains de tout âge : des familles, des jeunes, des moins jeunes qui viennent se retrouver dans cet espace un peu hybride et très convivial.
Post apéro, nous rentrons en métro et arrivons tout pile à l’heure pour le début du festival de vidéo-mapping organisé ce week-end-là.
La façade du Palais des Beaux-Arts est mappée par sept artistes différents. Certaines créations sont vraiment très chouettes et exploitent bien le relief du bâtiment, d’autres sont plus… euh… conceptuelles. C’est : noir de monde.
Nous tentons de remonter le parcours à contre-courant mais il y a tellement de monde que nous ne verrons pas tout : focus sur le mapping de la Voix du Nord avec un DJ qui apparaît à l’une des fenêtres et mixe en live face à la foule, puis sur celui de la Cathédrale dont l’ambiance sonore est un peu ruinée par le mauvais son d’une fête dans un appart toutes fenêtres ouvertes, et dont le proprio est bien décidé à montrer que c’est lui qui a la plus grosse (chaîne hi-fi). Nous sommes pris dans une marée humaine, c’est assez inconfortable.
C’est d’ailleurs ici, au milieu de la foule, que Jo aura une révélation : « Putain. J’ai la moustache qui sent le Maroilles. »
Nous entamons une remontada jusqu’à la rue de la Monnaie, où nous nous attablons en terrasse juste à côté d’une famille d’anglais dont la mère est hilare en dégustant son gin-to : c’était le tout premier de la carrière de la toute jeune serveuse et il était apparemment bloody strong.
Croix
Le dimanche, nous sortons de Lille : nous prenons le tram jusqu’à Croix pour aller visiter la villa Cavrois.
Nous passons le début du trajet à observer en douce un duo mère-fille d’approximativement cinquante et soixante-dix ans, blondes brushées, maquillage discret mais impeccable, tenue casual (c’est dimanche) mais visiblement coûteuse, en pleine discussion sur la potentielle revente d’un bien de famille à Amiens dont la cuisine est à refaire entièrement (la faute à Jacqueline qui ne l’a pas remise au goût du jour, ah ben bravo Jacqueline).
La conversation cadre parfaitement avec les grandes maisons bourgeoises qui longent l’avenue sur laquelle nous circulons : nous traversons les beaux quartiers de Lille.
Le tram nous laisse à environ 10 minutes à pied de la villa Cavrois, dans laquelle nous passerons deux heures. Les matériaux, les lignes, les détails, les couleurs… Tout est absolument incroyable dans cette villa construite dans les années 30 par l’architecte Mallet-Stevens pour la famille Cavrois, de riches industriels du textile dotés d’un goût moderne et sûr.
Rachetée par un promoteur à la fin des années 80, elle a été laissée à l’abandon avant d’être rachetée l’État en 2001. La restauration s’est achevée en 2015.
Le processus d’enquête minutieuse à partir de photos ainsi que la coordination des différents corps de métiers sont très bien documentés dans un film concluant la visite.
Roubaix
Depuis Croix, nous prenons ensuite le métro direction Roubaix pour aller découvrir La Piscine, le musée dont la fameuse salle du bassin nous faisait rêver à tous les deux.
Bon, ben… hormis cette salle-là, c’est une petite déception pour le reste du musée, très disparate.
Nous voulions enchaîner avec la Manufacture de Roubaix, mais la déviation de plusieurs lignes de bus ce jour-là (hé oui, en plein Paris-Roubaix, allez Poupou !) nous a découragés.
Wazemmes
Tiens, tu le vois arriver, le méga-fail du séjour ? Hop, le voici : le lundi, nous devions visiter le quartier Wazemmes et les Maisons Folies. La loose, tout est fermé le lundi et le mardi ! Je me suis bien loupée dans mon repérage, erreur de newbie.
Impossible donc de découvrir l’intérieur de ces anciens bâtiments industriels reconvertis en tiers-lieux, mi maison de quartier, mi espace d’art. Dommage.
(D’où le repli stratégique sur le Palais des Beaux-Arts, si tu as bien suivi).
Ce petit week-end lillois est passé vite vite vite. Le dernier jour, nous rendons l’appart pour midi ; le reste de la journée se fait donc avec les bagages, pas top.
Nous nous dirigeons avec un peu d’avance vers l’estaminet où nous avons réservé pour le déjeuner. Juste le temps de découvrir la porte de Gand, porte de ville de l’ancienne enceinte espagnole construite au XVIIe siècle.
C’est reparti pour une tournée de Maroilles, notamment dans un énorme welsh (gros).
Après le déjeuner, il pleut et nous avons du temps avant de partir à la gare : nous décidons d’aller manger une gaufre chez Méert.
Sauf que.
On s’attendait à un salon de thé standard, quoi.
Hé beeen nooon ! Chez Méert, on vient en habits du dimanche et à pas feutrés. Autant te dire qu’en sweats à capuche et avec nos valises à roulettes, nous n’étions pas complètement fondus dans la masse de la bourgeoisie lilloise (pour te donner une idée, à la table de derrière, entre deux récits de ses voyâââges à New-York, la dame a demandé un doggy-bag… vraiment pour son chien).
Après avoir goûté la gaufre traditionnelle à la vanille et celle revisitée à la noix de pécan, réflexe ultime de prolo : je plie soigneusement la serviette en papier monogrammée, pour la garder en souvenir.
À la sortie, nous passons rapidement par la boutique pour quelques emplettes et cadeaux.
Et là… Je ne sais pas ce qui s’est passé, on s’est senti pousser le carré Hermès, on n’a pas demandé les prix au vendeur en gants blancs.
L’annonce de l’addition a été suivie d’un blanc très, très révélateur.
Nous avons terminé l’après-midi au chaud en bouquinant à l’abri au Furet du Nord, immense librairie emblématique installée sur la Grande Place, avant de rejoindre la gare pour le train du retour.
Une nuit en train couchettes avec toute une famille qui avait passé la journée à crapahuter au Parc Astérix et qui s’est délestée de ses quatre paires de pompes Quechua pour dormir à l’aise.
Joie.
Où manger à Lille ?
- Un bowl hyper frais et bon chez Pepita, pas loin de la gare. Équipe très sympa, très bon, il y a du monde.
- Chaud-Bouillon : en mode tapas ou en mode plat, on a testé les croquettes au Maroilles de la petite roulotte et le bun au Maroilles de Bierbuik.
- La Bellezza : encore un resto italien, ha, la diaspora, vous voyez ! Hyper bon, nous avons bu un Primitivo et mangé des buratelli cacio e pepe, avant de conclure par un tiramisu et une tarte au chocolat.
- Chez la Vieille : estaminet typique lillois : nous y avons dégusté un welsh et une tarte au Maroilles, what else !
Des pâtisseries à tomber
- Au détour d’une ruelle du vieux Lille, nous tombons sur l’une des pâtisseries que Jo a spottées en amont : l’Ogre de Carrouselberg. L’occasion de découvrir les p’tits pouchins, garnis de crème à la fleur d’oranger ou au chocolat et praliné. Rhoooo. C’est coquin.
- Les pâtisseries de chez Brier sont ouhlalalala (nous avions pas mal hésité après avoir bavé devant la vitrine des Merveilleux de Fred).
Boire un coup
- Les Frères Pinard : bar à vin et à tapas. On a testé un verre de St Amour et une Mongy accompagnés d’une portion de tomme de chèvre à la truffe, miam !
Le hit-parade des bières, une rubrique signée Jo
- Mongy IPA : top
- Mongy de saison bio : bonne
- Poule Mouillée IPA : très bonne
- Bagarre de chez Brique House : trop sucrée
- Plus rose la vie de chez Brique House : trop sucrée aussi
- Moulins d’Asq IPA bio : bonne
Le point « transports »
La ville se découvre assez facilement à pied (oublie les stilettos en revanche, pas très pavés-compatibles) : nous avons parcouru 65 kilomètres tout pile en cinq jours !
On trouve d’assez nombreux parkings à vélos municipaux, de quoi mettre en sécurité ton biclou.
Certaines lignes de tram démarrent sous terre, c’est surprenant. Un point bonus pour la très bonne organisation du flux au terminus gare Lille Flandres : la rame s’arrête en amont du quai pour faire descendre les voyageurs arrivés à bon port, puis avance pour aller récupérer ceux qui qui partent dans l’autre sens. Hop, pas de bousculade.
Les lillois sont hot
Température ce week-end-là : 22 à 24 degrés. Tout le monde en débardeur et à chaque coin de rue : « pffff, fait trop chaud, ohlala quelle chaleur ! »
Nous, on a tout juste enlevé la veste en plein soleil.